Kilian JORNET: Courir ou mourir. Son incroyable récit.

Publié par sebastien le

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Le journal d’un ultra-terrestre

Si vous ne connaissez pas cet homme, le récit de son livre va vous surprendre. L’homme aux records de la discipline et au palmarès plus qu’ impressionnant c’est lui. Il excelle depuis son plus jeune âge sur tous le types de trail du monde, mais pas que.


Allez faire un tour sur son site https://www.kilianjornet.cat/fr.
Ou tout simplement tapez son nom dans https://www.google.fr

Ce livre commence par nous plonger dans son enfance.
Déjà un pied sur les montagnes, ses parents gardaient un refuge à plus de 2000 mètres d’altitude dans les Pyrénées, dans la région de Cerdagne en Espagne.

Le petit garçon avait déjà le goût du palmarès.

  • A 3ans, il avait atteint des sommets de 3000 mètres
  • 7 ans, gravit son premier 4000 mètres en Suisse (le Breithorn)
  • 10 ans, traversé les Pyrénées en 42 jours

Avec le temps ses randonnées sont devenues des moments sportifs. Au lycée, il gagnait toutes les compétitions de ski-alpinisme d’où il suivait une formation. Champion au travers de l’Europe par la suite, autant dire que la carrière de cet adolescent s’annonçait prometteuse.

  • 18 ans, un moment fort et dur pour Kilian. Suite à une blessure dans un accident (rotule et métacarpe cassé), il est contraint d’arrêter le sport alors que tout lui réussissait dans le domaine. Pour les sportifs, se retrouver bloquer à ne plus pratiquer sa passion, c’est comme nous couper les jambes quelque part. On voit ses amis performer et nous, nous sommes bloqués à ne rien faire si ce n’est attendre que cela aille mieux. C’est l’enfer.

Mais Kilian a eu un raisonnement très mature par la suite. Il en à profiter pour se perfectionner par le biais d’études, de recherches et techniques sur le ski-alpinisme. Pas bête du tout. Prenons-en note si cela devait nous arriver.

Par la suite, il choisit de vivre entre potes dans un modeste studio de 18 mètres carré à Fond Romeu. L’ antre des sportifs où tout était rudimentaire. Entre les équipements de sports et l’atelier improvisé de rafistolage et amélioration des skis, il n’y avait pas la place pour le superflu et tant mieux vous aurait-il dit. Un coin cuisine suffisait ainsi que les couchettes. L’ essentiel donc.
Il y règnait un esprit de compétiteurs avant tout. « Notre vie entière tournait autour de la compétition. Nous dormions et mangions juste ce qu’il fallait pour pouvoir nous entraîner et nous nous entraînions au maximum pour pouvoir participer aux compétitions« .

Les maigres primes gagnées servaient à payer les loyers.

La deuxième partie du livre nous plonge dans quelques unes de ses prouesses et records aux alentours de l’année 2010.

Voici donc les 5 récits de ses prouesses en trail:

La Tahoe Rim Trail
(dans la Sierra Nevada)

Une course qui durera 2 jours et 2 nuits, qui démarre à 5h du matin, avec au fil du parcours quelques runners chevronnés, bien placés pour lui donner le ton de l’allure à suivre. Un staff technique pour lui apporter tout ce dont il aura besoin lors de ses courts ravitaillements aussi.
Départ donné à cinq heures du matin. Ca part fort, le lever de soleil californien avec ces décors naturels préservés, offre un panel de couleur à donner le sourire. Au bout de quelques dizaines de kilomètres, Kilian se sent très bien. Peut-être trop bien d’ailleurs, il ressent plus tard une fatigue qui lui pèse et se tarde de trouver une côte sur son chemin qui lui forcera à marcher.

« Mais pourquoi suis-je parti si vite« .

Puis à se poser, le temps de reprendre son souffle quelques instants.
Arrivé aux alentours des 120 km, le parcours aride et poussiéreux lui aura donner des ampoules. Quelques soins avisés, une tenue pour affronter la nuit et le voilà repartit. Au deuxième point de ravitaillement, en plein milieu de la nuit, il décide de faire une sieste d’une heure pour récupérer assez d’énergie pour terminer les 10 km restants. Les paupières lui auront fait faux bonds, ce qui se traduit par des sorties de route et un risque de chute aussi.
Après 24 heures de course, et une multitude de douleurs par ci par là, ainsi que la fatigue accumulée, il se sent bien, très bien même et retrouve sa fraicheur. Mais au bout de 200 km ce n’est plus du tout pareil, la fatigue est différente. Ce n’est plus une partie du corps qui est douloureuse

« Tout s’arrête tout« . 

Les hallucinations s’installent, croyant entendre ses amis des trails précédents derrière lui. Il savait que cela pouvait arriver.
A 20 km de l’arrivée, il n’a plus aucune volonté. Court tel un automate.  « Qu’est devenue ma volonté « . Un dernier ravitaillement et il repart doucement. Accélérant au fur à mesure, jusqu’à ne plus ressentir aucune douleur. L’émotion a pris le pas , sprintant jusqu’à l’arrivée. L’émotion, les souvenirs le submergent. Savourant sa victoire avec tout le staff présent.

La traversée des Pyrénées

Depuis ses 10 ans cette idée lui trottait dans la tête. C’est en 2010 qu’elle se réalisa. Un programme Run de nuits jours. De l’Atlantique à la Méditerranée donc, et 800 km à parcourir. Voilà les stats incroyables de cette épopée sportive.

« Prêt ? Alors allons-y « 

130 km pour ce premier jour. Autant dire que le début de l’aventure est plutôt tumultueuse. Au bout de 20 km le voilà perdu. Le sentier prévu n’est finalement pas pratiquable. Il faut improviser un contournement. Une fois retrouvé, les sentiers balisés avec la peur au ventre de notre désarroi, nous continuons par arriver au refuge. A 140km et 16 heures plus loin, rejoignant de vieux amis pour passer une première nuit avec déjà des anecdotes à raconter.
Deuxième jour: Je cache ma douleur musculaire de mes jambes. « Tout rentrera dans l’ordre » .
Une fois sur les crêtes, la douleur se dissipe laissant place au paysage majestueux des sommets Pyrénéens.Six heures plus tard, la faim se fait sentir. L’envie d’avaler un bout de sandwich était plus forte que tout. L’estomac vide, allongeant la foulée pour arriver au point de ravitaillement. Arrivés à Belagua, la team tend les précieux sandwichs qu’ils avaleront avec hâte.

Reste sept heures avant le repos de ce soir.

Et une belle ascension pour repartir. Le décor passe des pâturages à la neige, et le granit. Dans la descente Greg, son compagnon du jour serrait les dents. Une forte douleur dans le genoux. Une manipulation de la jambe du genre, tirer sur une corde fait ressortir un « crac ». Le genou remis bien en place sur le coup.
La douleur ne passant pas vraiment, ils décident de reprendre la route en avisant au fur et à mesure.
Le temps passe, et il faut redescendre la crête dans l’obscurité. Le parcours sera plus court que prévu et le staff commence à s’inquiéter de leur arrivée tardive. Ils tenteront de venir à leur rencontre. Apres plusieurs coup de fil du genre :

« Eh tu es ou ?  »

Le voilà bien arrivé à Somport.

Troisième jour: « Mais qu’est-ce que je fais là?« . Ses jambes ne répondaient plus et des tiraillements persistants font que les premières foulées étaient terribles.

« Par la pensée je partais à la découverte de plages lointaines lors de journées très chaudes au bord de la mer« 

Ca l’aide à se détendre dans ce genre de situation difficile. Au fil du temps les douleurs s’estompent. Il accumule les sommets à franchir à l’aide de ses compagnons du moment selon son avancée. Passant le cirque d’Ordesa, la cascade de la Cola de Caballo, il se rend compte de la chance de pouvoir admirer ces panoramas sculptés par la nature depuis des milliers d’années.
Quatrième et cinquième jour: le corps et l’esprit sont en bien meilleure forme. Au bout de quelques dizaines de kilomètres, aucune douleurs. aura t-il fallu quatre jours à son corps pour s’habituer à ce type d’effort ? Plus il avance, plus il est bien, défiant l’acide lactique. Accélérant après chaque bosses.

…. Arrivé au sixième jour:
Le périple aura eu ces hauts et ces bas forcément. Passant de l’euphorie du panorama et des sensations, aux doutes physiques, puis mental. Sans compter les couacs de parcours loupé, de risque de blessures dues au sol glacé ou abrupte…
Je vous passe les détails, pourtant tellement intrusifs dans la tête de Kilian. Une lecture de son ouvrage s’impose pour en apprécier encore plus grandement les traits.

J’avais imaginé ce moment. Je l’ai attendu fiévreusement et j’en ai rêvé.

Sept puis huitième jour: Les jambes ne sont plus là. Pourtant c’est le dernier jour. Il faut qu’elles répondent, qu’elles servent encore une journée. Killian a du mal à reprendre cela tout du long. Pas un moment la douleur ne s’estompe, et pourtant il tentera de se muer dans ses pensées en contemplant les paysages comme à son habitude. Les contractures se font plus douloureuses encore. l’obligeant à modifier sa foulée.
Il ne lui reste que 30 Km avant d’arriver au bout de cette prouesse.
« Et pourtant mes jambes me tordent de douleurs à chaque foulée, à la limite du vomissement. » Un choix des plus important est à prendre. Il se pose la question de continuer et finir en risquant une blessure irréversible comme certains athlètes dont il a le souvenir en tête. Ou d’arrêter là.
Son ami aura les mots justes.

« Je sais que tu peux terminer aujourd’hui.Nous le savons tous les deux. Mais veux-tu prendre le risque d’une blessure qui dure tout l’été, et peut-être aussi tout l’hiver ? Veux-tu mener à bien tous tes projets dont tu nous parlais encore il y à quelques heures ? « 

La course s’arrête là. Mais il en retient une chose.

Rien ne vaut le plaisir de courir avec ses amis et en famille.

2ème partie:
https://www.youtube.com/watch?v=lq2EqFbanZI

3ème partie:
https://www.youtube.com/watch?v=SOJySEuy9kM&t=3s

L’ultra Trail du Mont Blanc

Un bref récit où se trouve le sommet mondial du Trail.
170km et 10 000mètres de dénivelé autour du Mont Blanc.
https://utmbmontblanc.com/fr/home
Il est 18 heures, et la place Balmat de Chamonix devient une véritable ruche. Les balcons débordent. Les gens le prennent en photo, ou lui demande de signer quelques autographes en le félicitant déjà. Les élites de la discipline sont là aussi. La course s’annonce rapide.

Le départ est lancé sous la musique encourageante des chariots de feu de Vangelis.


Voici un des départs mythique de cette discipline. https://www.youtube.com/watch?v=aVdo9-960zM
Comme prévu les élites partent très vite. Kilian fait vite parti des six premiers en tête. Apres le passage à Saint-Gervais-les-Bains, en compagnie de Dawa Sherpa, prennent le large et là, les compétiteurs ont une autre approche de ce jeune Traileur. C’est un véritable rival à présent, la méfiance est de mise . C’est sa première participation en tant que candidat, à la victoire comparé à l’année précédente où il n’était pas encore reconnu.
Au bout de quelques heures, le voilà déjà seul en tête avec pour seul compagnie le paysage sombre éclairé par sa frontale. Son esprit lui invente des histoires par moments tient.
L’aube arrivant, ça y est il commence à réaliser que Chamonix lui tend les bras. Son nom résonne dans la foule, les hauts parleurs. L’émotion est palpable dans ses yeux.

« J’ai envie de pleurer et de rire à la fois« 


La Western States100

L’Ultra trail le plus connu et le plus prestigieux Outre-Atlantique. Forcément, c’était pour lui encore un challenge à relever. Un parcours de 160 Km.

Cette course à quelque chose de particulier. Comme si c’était une bande de copains partis à l’aventure, où le plaisir passe avant le côté speed des autres Ultra. Du moins pour les élites.
Vite en tête avec le mythique Anton Krupicka. Barbu et cheveux long, casquette vissée sur la tête avec lunettes miroirs, un short et des pompes. Torse nu, une flasque dans chaque mains. Le Ricain classique dans ces disciplines.
Le parcours est beau. La chaleur associée à la poussière l’est moins.
A mi-parcours, le ravitaillement est aussi surprenant.

« Si nous avons perdu 10% de notre poids initial depuis le départ, ils nous obligent à manger et à boire la quantité nécessaire pour le reprendre, avant de nous laisser repartir »

La deuxième partie de course s’est faite accompagné par leurs lièvres respectifs. Plus dur à cause de la chaleur, l’air est brûlant une fois dans la gorge.
Une erreur de débutant lui fera défaut pourtant.

« Je ne me suis arrêté à aucun point de ravitaillement pour m’hydrater comme il aurait fallu. Je n’ai rien mangé non plus de toute la course. »

Une traversée de rivière par bateau lui permet de retrouver ses esprits de compétiteur et planifie les 30 derniers Km à parcourir pour finir en tête.
C’est là que la course commence. Il n’est pas devant mais ne cessera d’accélérer. Connaissant ses points forts il saura quand accélérer.
Pourtant depuis des heures, les ordres qu’il donne à son corps ne font pas mouche. Ce sera seulement dans les derniers Km ,qu’il réussira avec un mental d’acier à insuffler à son corps la force de dépasser les limites physiques.
Accélérant toujours, passant devant, franchissant la ligne d’arrivée et relâchant les traits crispés de compétiteur pour laisser place au sourire.

Le Km vertical au Kilimanjaro

Avant de se lancer dans le périple, Kilian doit s’acclimater à l’altitude même si il à des prédispositions de ce côté la. Ils dormiront une semaine à un camp de base, le « Barranco camp » avec l’aide de porteurs pour l’atteindre avec le minimum de matériel requis. Durant cette semaine, il sillonnera en courant avec le détendeur du record avant lui les vallées. Partant des 4000 mètres du camp jusqu’à 5 700 mètres.

L’adaptation paye et il se sent à l’aise.

Le plus surprenant dans cette première partie c’est  » la joie de vivre dont témoigne les porteurs ». Ils sont toujours de bonne humeur. Pourtant ils se lèvent aux aurores, par -15°C. Leur vie est rude, et malgré tout leur joie se lit sur leur visage.
L’acclimatation étant finie, une batterie d’examens de contrôle s’en suit et le voilà fin prêt à s’attaquer au record.

Départ a l’Umbwe Gate à 1500 mètres pour faire un aller/retour jusqu’au sommet.

De 1500 à 4 000 mètres, le ressenti d’effort avoisine une altitude de 2 000 mètres pour le moment. Profitant des paysages incroyables, aux allures du seigneur des anneaux, tout en écoutant sa playlist favorite, il continue de progresser avec une large avance sur le chronomètre.
5 000 mètres, plus aucune végétation à l’horizon La progression devient difficile.

« Je n’y comprends rien. J’ai des forces et je ne parviens pas à les utiliser« 

Le paysage est surréaliste. Le sable noir chauffé par le soleil est si chaud, qu’y mettre les mains pourrait se comparer à les plonger dans l’eau bouillante. Pourtant des blocs de glace gros comme des icebergs, sont bien présents par ci par là.
La forme revient et l’oxygène commence tout doucement à ré-alimenter ses muscles. Mais cela ne dure pas et une fois passé le pic Uhuru, malgré la volonté, contraint de s’asseoir pour retrouver ses esprits pour récupérer de l’énergie.
Quelques pas lourd plus tard, il s’accroupit se tenant fortement la tête, somnolant éveillé. Allez Kilian réveille-toi, se dit-il dans quelques minutes tu seras au sommet.
ENFIN arrivé au sommet.

« Je m’apprête à descendre sans m’arrêter les 4500mètres devant moi« 

La forme est au top, la foulée fluide et les idées claires. C’est un grand jour se dit-il, descendant quasiment en volant, sursautant entre les rochers. Pas le temps d’observer le paysage, il faut assurer le pas pour ne pas tomber. « Les porteurs m’attendent avec une délicieuse crêpe préparée pour m’encourager. Je la mange volontiers et repars avec le sourire. »
La victoire n’est qu’à quelques minutes. La foulée encore un peu plus allongée. Le voilà arrivé.

 » Ce record c’est une personne qui le réalise, mais ce sont tous ceux qui y ont contribué qui réussissent. « 

1ère partie:
https://www.youtube.com/watch?v=DJztgs-jXuw

« Courir est la meilleure façon de mettre de l’ordre dans sa tête, de résoudre les problèmes qu’on ne parvient pas à identifier même si l’on y est directement confronté « 

En course, il est bien conscient que:

« même si il a le sentiment de tout contrôler, les imprévus sont incontournables.« 

Pour finir Kilian est un homme qui passe sa vie à penser à la course à pied, essayant de garder le contrôle « Mes programmes d’entraînements sont-ils excessifs ou insuffisants ? En combien de temps vais-je récuperer ? « 
Mais aussi il essaye d’harmoniser sa vie de sportif à son entourage. «  Pourrais-je voir mes amis le week-end ? Le dîner de famille conviendra t’il au sur le plan calorique mes besoins du dimanche ? « 

Kilian aura adapté une philosophie de la vie lui permettant d’optimiser son mental en partant du principe que

« Tout ce qui arrive fait déjà partie du passé.« 

Comprenant ainsi que dans la vie toutes les heures perdues d’apitoiement ne mènent à rien et qu’il vaut mieux avancer.

Kilian nous laisse rentrer dans son intimité mentale. Expliquant ses doutes, ses peurs, ses difficultés en course qui pourrait arriver à chacun d’entre nous . Mais aussi les moments de joie, du bonheur d’être en pleine nature pratiquant sa passion aux sommets des montagnes. Par temps froid ou sous un soleil de plomb. Il a fait le choix de vivre de sa passion. Gardant en tête son obsession de la victoire pour ainsi retrouver à chaque fois cette lueur de gosse qui brille dans nos yeux. Celle d’accomplir quelque chose de grandiose.


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Catégories : Recit

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